BINGATA
Bingata : la teinture royale d’Okinawa
Difficile de parler d’arts traditionnels d’Okinawa sans aborder le Bingata. Cette étoffe est décorée à l’aide d’une technique de teinture particulière qui se développa au XVème siècle dans l’archipel, alors qu’il appartenait encore au royaume de Ryûkyû. Assortis de motifs évoquant l’environnement floral et climatique subtropical d’Okinawa ou des animaux mythiques, la couleur dépendait de la caste : l’indigo de Ryûkyû était généralement utilisé, mais les samouraïs arboraient le blanc et le rouge, le jaune étant lui réservé aux classes sociales les plus élevées. Pivot des échanges commerciaux maritimes, les habitants d’Okinawa rapportèrent de nombreux savoir-faire de leurs voyages en Inde, en Chine et à Java, portant ainsi leur maîtrise de la teinture à un très haut niveau de raffinement.
Après l’invasion des îles par le Japon en 1609, des productions artisanales locales furent exigées en guise de rançon, et le très coloré bingata devint alors rapidement populaire dans les hautes classes sociales, y compris des familles proches de l’empereur. Celui-ci autorisa l’emploie de ces teintures à trois familles, chacune y apportant des touches techniques et graphiques uniques. Aujourd’hui, la technique de confection de ces teintures est en voie de disparition, nombre de savoirs et matériaux ayant été perdus durant la seconde guerre mondiale lors de la bataille d’Okinawa. Seuls quelques artisans continuent de faire perdurer cet art, dont la préservation est encouragée par des associations et par le gouvernement japonais.
La fabrication du bingata utilise une méthode de teinture au pochoir importée de Chine, combinée avec des techniques de teintures manuelles, rapprochant cet artisanat de la peinture. Lors de l’application des couleurs sur le support, qui peut être en coton, en soie, ou en fibre de bananier, de la pâte de riz est appliquée sur les contours afin d’éviter la diffusion sur le tissu. Les artisans actuels emploient la teinture bingata pour décorer les kimonos et obi, utilisant toujours des pigments naturels d’origines végétales et minérales. C’est un travail minutieux qui nécessite des jours, voire une semaine pour la confection d’un obi. Il est possible de s’essayer à cette technique culturelle, qui se transmet à nouveau de plus en plus, faisant refleurir ce trésor traditionnel.
Nathan Florent